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A.Lamarque : 24/09/2021
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Interview - Axel Alletru : Un pilote paraplégique à la conquête du Dakar
Il était promis à une grande carrière en motocross mais son destin bascule le 27 juin 2010. Ce jour-là, Axel Alletru devient paraplégique après un
accident lors d’une course. Malgré ce choc, le jeune pilote ne se laisse pas abattre et s’attaque à la natation handisport. Cette nouvelle voie
est couronnée de succès puisqu'il finit douze fois champion de France et obtient un titre de champion d’Europe. Il ne lui reste alors plus qu’à
glaner une médaille aux jeux paralympiques. Malheureusement, son rêve est stoppé par un changement administratif. En effet, il est basculé dans
une catégorie ou ses concurrents ont un handicap plus léger. La qualification aux jeux devient impossible. Il arrête alors la compétition
handisport. Ce nouveau coup d’arrêt le pousse à chercher un nouveau défi. Il finit par le trouver en choisissant un sport avec les valides :
le rallye et tout particulièrement le Dakar.
Échange avec un pilote ayant une résilience à toute épreuve.
Après tous tes défis relevés pourquoi avoir choisi de rouler en sport automobile et plus particulièrement en buggy ?
J’ai toujours fait du motocross et là l'idée est de revenir aux sports mécaniques car c’est quelque chose qui me branche. C’est aussi pouvoir
challenger les valides avec mon handicap. Evidemment, le Dakar c’est une course que je suis depuis tout petit et je me suis dit, c’est ça que
je veux faire ! Une aventure comme celle-ci peut être incroyable.
Avec ce buggy, tu participes à de nombreuses courses puis tu décides de t’attaquer au Dakar plutôt que de faire un championnat de France par
exemple, pourquoi cette course en particulier ?
Je dirais qu’il y a d’autres rallyes mais bon il faut toujours du budget. C'est toujours pareil pour pouvoir en faire plus. Du coup,
malheureusement, je n’ai pas beaucoup d’entraînement. Le Dakar c’est rouler dans le sable. C’est typé vraiment dune, sable, donc c’est un
terrain que je maîtrise du fait de mon expérience dans le domaine de la moto. En plus, étant du nord, j’ai beaucoup roulé dans le sable.
Et puis le Dakar, c’est vrai qu’il y a plein d’autres choses dans le sport mécanique mais le Dakar c’est une épreuve mythique, c’est quelque
chose où je savais que je pouvais faire quelque chose d’intéressant on va dire. Donc naturellement, au lieu d’aller sur de la piste ou toutes
ces choses-là, et bien je suis allé sur quelque chose que je connaissais un petit peu même si c’est un monde qui est quand même différent.
C’est quelque chose que je maitrisais un petit peu : le sable, le paddock, le bivouac.
Il a fallu ensuite trouver des sponsors pour monter le budget et s'inscrire. Pour cela, tu es passé par une cagnotte, tu as déjà dû avoir une
expérience dans la recherche de sponsor en tant que nageur handisport, des marques spécialisées pour les handicapés pouvaient être attirées par
ton profil comme ergo concept ou my add on, tu avais déjà roulé avec des succès et Polaris te soutenait. Finalement, est-ce qu’obtenir le budget
a été simplifié par tous ces éléments ?
C’est quand même difficile. Le budget, trouver des partenaires, c’est demander de l’argent. Finalement, c'est plus des mecs qui veulent faire
plaisir que des gens qui vont avoir de la visibilité donc c’est ça le truc. Il faut que ce soit des gens un peu passionnés qui aiment le sport
auto mais ça n’a pas forcément le vent en poupe avec tout ce qu’on sait sur l'écologie. C’est toujours compliqué et malgré tout, j’ai réussi à
trouver le budget en 2020. Actuellement, j’essaie de clôturer même si ça n’est pas fini mais c’est toujours le nerf de la guerre et c’est jamais
facile. Surtout que je n’ai pas pu faire 2021 car je n’avais pas le budget à cause du Covid et donc perdre une année comme ça, dès que tu n’es
pas présent, tu perds du temps et puis t’es plus visible.
Une fois que toi et ton équipe vous êtes prêt en 2020, est-ce que convaincre l'organisation que tu peux rouler tout en respectant les règles de
sécurité comme par exemple sortir de la voiture a été une barrière ?
Je peux sortir donc ça va donc j’ai trouvé des solutions. Je dois avoir une voiture adaptée à mon handicap avec un accélérateur et un frein
spécifique parce que je roule au pied (système de maintien du pied). Mon copilote François a un rôle plus important parce qu’il a une responsabilité en plus de celles
habituelles comme changer les roues et tout ce genre de choses donc c’était plutôt ça à préparer en termes de logistique et qu’on a réussi à
faire mais qui était beaucoup de préparation quand même.
J’ai fait un premier rallye avant pour montrer que j'étais apte.
En 2020, pour 20 Minutes tu disais : “J'ai fait 8 000 km en crevant deux fois seulement et en ne cassant rien, en montrant de l'intelligence et
de la maturité”. Tu étais également accompagné d’une équipe autour de toi avec des kinés. Tu finis par remporter ta catégorie. Cette édition
s'est donc très bien déroulée. As-tu quand même vécu un moment difficile/tendu ou tu as dû faire preuve de résilience ?
C'est une intelligence de course et de la chance. C’est plein de paramètres mis bout à bout qui font que tu peux arriver cette année et tout
péter le premier jour par exemple. Une année n’est pas l'autre. Ça change beaucoup. Parfois la première c’est celle-là la meilleure.
Depuis ta victoire, il y a eu le Covid et moins d’articles sur tes résultats et tes problèmes de budgets aussi comme tu disais. Peux tu nous
faire un rapide bilan de ce qui s’est passé depuis un peu plus d’un an d’un point de vue sportif ?
Rien de spécial, je n’ai fait aucune compétition depuis deux ans donc là ça va être dur 2022 pour moi car je vais retourner dans le bain direct.
Le but c’est, déjà si je refais comme 2020 ça serait super, maintenant prendre les choses étapes par étapes. Je me suis bien entraîné physiquement
par contre. Donc moi, au niveau physique, je peux faire du vélo et de la natation. Je ne peux pas courir évidemment mais j’essaie de trouver des
solutions. Avec mon handicap, je dois m’entrainer au quotidien pour être prêt.
Tu comptes participer au Dakar 2022 qui pourrait être un tournant vers ta quête de rouler dans la catégorie reine, quel est ton état d’esprit à
l’approche du rallye de préparation au Maroc ?
Finalement, je ne pourrais pas le faire car je n’ai pas le temps et pas les ressources donc on va essayer de faire comme en 2020 sur le Dakar.
Le buggy sera prêt en octobre donc on verra.
Le Dakar est ton objectif central de l’année. L'organisation veut un rallye plus vert puis 100% éco responsable, toi aussi tu t'engages pour un
monde plus respectueux de l’environnement. Peux-tu nous présenter le mouvement #gogreen2024 que tu as lancé ?
Dans mes interventions on parle souvent d’écologie donc avoir un véhicule à énergie renouvelable notamment à hydrogène c’est l’objectif de
faire partie d’une nouvelle génération de pilotes qui roulent sur ces énergies vertes. Les dates vont sans doute changer suite au covid donc
c’est compliqué de savoir. C’est le plan mais le plan change tellement si ça se trouve j’aurais peut-être de belles opportunités ou peut être
non mais le but c’est d’initier un mouvement. Je pense qu’on est à un tournant et c’est important de faire cette nouvelle génération de pilotes
qu’ils comprennent que l’on puisse continuer à pratiquer notre passion mais d’une meilleure manière.
Pour conclure, t’as aussi un partenariat avec Reforest'Action peux-tu nous en parler ?
Quand je fais mes conférences, les gens rejoignent l’aventure à leurs manières ou je tire des gens au hasard dans mes conférences et je distribue
des coupons pour pouvoir replanter des arbres.